Comme en matière de comblement de sinus la courbe d’apprentissage a été longue, les chirurgiens plasticiens ont d’abord utilisé de la graisse autologue lors de lifting pour combler les rides, comme les chirurgiens-dentistes utilisaient de l’os autologue (crête iliaque, ramus notamment) pour combler les sinus maxillaires.
Ensuite des produits de comblements non résorbables ont été utilisés avec plus ou moins de succès et pour certains d’entre eux des résultats catastrophiques. Notamment le dermalive qui a entrainé des réactions granulomateuses importantes qui ne cédaient pas malgré des corticothérapies importantes et pour lesquels une correction chirurgicale devait être envisagée.
L’acide hyaluronique a d’abord été isolé dans l’humeur vitrée de l’œil chez le bœuf.
L’étymologie de son nom le rappelle bien, il vient du grec hyalos qui veut dire vitreux et il contient aussi un important taux d’acide uronique.
L’acide l’hyaluronique ou hyaluronate de sodium est en réalité un polysaccharide complexe, appelé GLYCOSAMINOGLYCANE.
C’est une substance naturellement présente dans le corps humain puisque l’on la retrouve notamment dans les articulations, le placenta, l’œil, et enfin dans le derme où 50% de l’acide hyaluronique contenu dans le corps.
L’acide hyaluronique fonctionne comme une éponge en retenant les liquides circulants, chaque molécule d’acide hyaluronique peut absorber de 500 à 1000 fois son volume d’eau.
Mais avec l’âge, la quantité d’acide hyaluronique diminue, d’où l’intérêt de pouvoir y avoir recours par un apport extérieur. A titre d’exemple, l’acide hyaluronique est utilisé en chirurgie ophtalmique (transplantation de cornée, cataracte, glaucome, etc.) et pour traiter l’arthrose du genou.
En cosmétique, son pouvoir liftant, que nous allons voir ci-après, est des plus intéressants. Biocompatible, l’acide hyaluronique est également une substance biodégradable, il est éliminé rapidement et naturellement par l’organisme (par dégradation thermique, enzymatique, radicaux libre, et par action mécanique, dans les zones du visage qui froncent ou bougent beaucoup)
C’est une molécule non spécifique à une espèce, il n’y a pas de différence entre la molécule endogène et exogène.
La molécule est enfin complètement résorbable en 8 à 12 mois, en fonction de la zone injectée, de son irrigation sanguine, et en fonction du degré de réticulation de la molécule.
L’acide hyaluronique est dégradé par le système enzymatique (hyaluronidase) et par les radicaux libres présents dans l’organisme. Il a ainsi en piégeant les radicaux libres des propriétés antioxydantes.
La molécule d’acide hyaluronique libre dans l’organisme a une demi-vie d’environ 48h;
C'est-à-dire qu’en environ 4 jours tout l’acide hyaluronique libre injecté est complètement résorbé.
Au cours du vieillissement la quantité d’acide hyaluronique diminue et la modification de sa nature entraine une détérioration de la qualité tissulaire ainsi que du processus de réparation.
L’acide hyaluronique possède des propriétés viscoélastiques qui jouent un rôle important de renforcement de la matrice extracellulaire et d’amortissement. Toutes ces propriétés rhéologiques facilitent migration et prolifération cellulaire et par la même facilitent le processus de cicatrisation.
L’acide hyaluronique a de plus un effet préventif du vieillissement car il induit une importante synthèse de collagène restaurant l’intégrité des fibroblastes, stimulant les facteurs de croissance et inhibant la synthèse de collagénase (étude de Wang 2007)
La molécule d’acide hyaluronique libre dans l’organisme à une demi-vie d’environ 48h c'est-à-dire qu’en environ 4 jours tout l’acide hyaluronique libre injecté est complètement résorbé.
C’est la raison pour laquelle on a pensé à réticuler l’acide hyaluronique c'est-à-dire lier entre elles toutes les molécules avec un réactif chimique ; dans le but d’augmenter sa masse moléculaire et ainsi limiter les mécanismes de dégradation.
Le réactif utilisé est le BDDE (butanediol diglycidylether): réticulant (molécule liant deux autres molécules) choisi pour sa tolérance et sa facilité de manipulation... Mis en présence d’acide hyaluronique libre le réticulant va lier les molécules entres elles.
Mis en présence d’acide hyaluronique libre le réticulant va lier les molécules entres elles
molécules d’acide hyaluronique libres |
La réticulation a lieu dans le plan en 2 dimensions mais aussi dans l’espace a 3 dimensions, afin d’obtenir une matrice tridimensionnelle qui permet une tenue
de l’injection d’environ un an. |
le réactif n’ayant pas réagis est éliminé |
Plus un acide hyaluronique est réticulé plus il devient visqueux passant de l’état liquide à celui de gel et enfin à l’état solide ; des membranes biologiques formées d’acide hyaluronique sont d’ailleurs à l’étude des fins de régénération osseuse guidée.
Leur durée de résorption est d’environ 8 mois.
Les premiers gels d’acide hyaluronique étaient particulaires et de ce fait pouvaient migrer des zones ou ils étaient injectés, la consistance était granulaire, aujourd’hui nous disposons de gel à consistance homogène qui permettent une injection plus fluide plus aisée avec un résultat beaucoup plus stable.
L’acide hyaluronique est considéré comme un dispositif médical car il agit par action mécanique, alors qu’un médicament agit par action pharmacologique, métabolique ou immunologique.
De ce fait il ne nécessite pas d’AMM mais un simple marquage CE délivré par un organisme proche de l’AFSSAPS. L’utilisation de tout dispositif médical est autorisée dans le cadre de notre activité.
Rappels anatomiques
Il est nécessaire de bien connaitre l’anatomie des muscles, des graisses, des nerfs, et des vaisseaux avant de pratiquer des injections d’acide hyaluronique.
Il est important aussi de corréler les modifications de volume et les stigmates du vieillissement afin rétablir les volumes.
Les muscles qui sous tendent la bouche et les tissus attenants sont des muscles peaussiers
Ils possèdent une insertion osseuse fixe ainsi qu’une insertion cutanée mobile, lorsqu’ils sont disposés autour d’un orifice ils ont une action dilatatrice ou constrictrice.
Seuls deux muscles peaussiers ne présentent aucune insertion osseuse, ils font partie du système musculaire aponévrotique superficiel (SMAS), ce sont le risorius et le platysma responsable de l’apparition avec l’âge des chordes platysmales dans la région du cou.
Les muscles peaussiers tissent un véritable maillage sous le derme, ils sont continus avec les muscles voisins.
Il est enfin important de comprendre la physiologie du vieillissement, avec l’âge les muscles raccourcissent et chassant la graisse des plans profonds vers les plans superficiels.
Cette graisse sous l’effet de la gravitation a tendance à descendre, entrainant avec les années une perte de l’ovale du visage ainsi que sa squelettisation.
Les différentes techniques d’injections :
On distingue 3 principales techniques d’injections que l’on peut combiner.
a) L’injection par multi poncture.
il s’agit la de réaliser plusieurs points d’injectIon intradermique et contigüe sur le trajet d’une ride.
b) L’injection rétro traçante
Dans ce type d’injection on insère l’aiguille jusqu'à la garde dans la ride avec une angulation de 20° environ, par rapport au plan que constitue l’épiderme, puis une fois l’aiguille en place on injecte lentement l’acide hyaluronique tout en retirant l’aiguille.
De proche en proche toute la ride est traitée.
en rouge : 1ere injection rétro traçante en bleu : 3 ème injection rétro traçante
en vert : 2 eme injection rétro traçante en rose : 4 ème injectio rétro traçante
c) L’injection à la canule
Cette technique est recemment apparue ,environ 3 ans, elle permet de traiter une ride a partir d’une canule souple à bout mousse, qui ressemble à nos aiguille pour anesthesie tronculaire.
L’intéret de cette technique est qu’elle produit très peu de d’hématome et de bleu,
qu’elle est indolore, et que par un seul point de pénétration de la canule ,il est possible de traiter toutes les zones du visage qui concerne le chirurgien-dentiste.
à savoir : le sillon naso-génien, la lèvre rouge supérieure et inférieure, son ourlet, la lèvre blanche supérieure et inférieure, les plis d’amertume.
Elle traumatise infiniment moins les vaisseau que la technique à l’aiguille car la canule a un bout mousse et ne peut par conséquent effracter le trajet d’une artère et provoquer un bleu ou un hématome.
Le point d’injection est unique ,il se trouve dans le prolongement de la commissure des lèvres à un centimètre de cette dernière.
Dans le cadre de votre exercice, vous recourez à des injections d’acide hyaluronique. Comment voyez-vous les récents événements qui ont conduit à l’interdiction finalement suivie de l’autorisation de cette pratique pour les chirurgiens-dentistes ?
Je trouve étonnant que cette décision, si importante pour les chirurgiens-dentistes, ait pu être prise sans concertation avec notre conseil de l’Ordre et les représentants de notre profession.
Il est regrettable que certains lobbys médicaux nous considèrent comme des concurrents potentiels alors qu’il est d’usage, dans notre profession, de leur adresser nos patients quand leur demande ne relève pas de notre domaine de compétence. Nous avons accès, en tant que chirurgiens-dentistes, à la quasi-totalité de la population française et, à titre personnel, je n’ai jamais autant adressé de patients à des confrères médecins que depuis que je pratique des injections d’acide hyaluronique. Plutôt que de nous voir comme des concurrents potentiels les médecins devraient nous considérer comme des correspondants.
La secrétaire d’Etat assorti l’autorisation de cette pratique pour les chirurgiens-dentistes au fait qu’elle soit réalisée dans le cadre d’un acte thérapeutique global. Quel impact cela va-t-il avoir dans votre pratique ?
L’impact sera modéré car les actes que j’effectue au sein de mon cabinet s’inscrivent le plus souvent dans le prolongement des soins dentaires que je prodigue. Une majorité d’actes considérés comme esthétique sont en réalité des anomalies morphologiques qui ont un fondement thérapeutique.
Avez-vous suivi une formation spécifique ?
Même si cette pratique est largement à la portée des chirurgiens-dentistes, ne serait-ce que parce que nous recourons tous les jours à des actes d’anesthésie, une formation théorique et pratique est évidemment indispensable. Nous sommes des professionnels de santé au même titre que les médecins : en tant que chirurgien-dentiste, je suis parfaitement conscient de mes devoirs de thérapeute et il ne me viendrait pas à l’idée de me lancer dans une pratique nouvelle sans formation. Il serait d’ailleurs souhaitable que nos confrères médecins viennent enseigner dans nos formations dédiés à l’acide hyaluronique. Pour ma part, j’ai suivi des formations théoriques et pratiques en France et à l’étranger. Ces formations s’inscrivent entre autres dans le prolongement des cours de dermatologie et d’anatomie, que nous suivons dans le cadre de notre formation initiale. De plus, il serait bon qu’il y ait une harmonisation de notre domaine de compétence, bon nombre de nos confrères européens utilisent l’acide hyaluronique depuis des années.
Quels sont selon vous les risques associés à l’injection d’acide hyaluronique ?
Ils sont les mêmes pour les médecins et pour les chirurgiens-dentistes. Nos deux professions sont capables de gérer les aléas thérapeutiques résultant de ce type de pratique. A mon sens, le risque principal réside dans la nature du produit utilisé et il serait bon que nos autorités de santé se penchent sur ce réel problème. De très nombreux produits de comblement sont aujourd’hui présent sur le marché et certains d’entre eux n’ont pas fait preuve de leur totale innocuité. Les produits de comblement sont des dispositifs médicaux et à ce titre ne font l’objet que d’un simple marquage CE
L’acide hyaluronique va permettre au chirurgien-dentiste d’attenuer les effets du vieillissement d’un point vue esthétique, mais aussi d’un point de vu thérapeutique.
Depuis l’avènement de l’implantologie, bon nombre de prothèses amovibles complètes sont remplacées par des bridges complets implanto- portés, avec peu de possibilité pour le praticien de soutenir les tissus mous.
En effet lors de la réalisation d’une prothèse complète nous prenions beaucoup de temps pour régler le bourrelet de cire vestibulaire qui soutenait la lèvre, désormais nous pourrons
grâce à l’acide hyaluronique corriger le volume des tissus mous lors du passage à une prothèse fixée.
La compréhension du processus de vieillissement, est primordiale pour entamer le processus de réhabilitation des tissus mous.
C’est grâce à l’analyse complète du patient, ses doléances, son examen clinique que l’on pourra choisir le produit de comblement le plus adapté à son cas.
Cette collaboration avec notre patient sera le gage d’une thérapeutique réussie.
Dr Jean-Pierre SALAMA
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